La quantification de soi à la recherche de sens
De la critique sur les usages et la pertinence des offres actuelles de l’auto-mesure.
Pourquoi le mouvement du Quantified Self peine à décoller ?
titre Télérama dans un excellent article critique paru au sein du webdocumentaire Quand le Corps Humain devient Machine
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En super-bonus, découvrez notamment les points de vue éclairés de Nicolas Geraud et Remy Bourganel, co-producteurs de notre dernière rencontre consacrée au design :
(…) Pourquoi ce mouvement peine-t-il à décoller alors qu’il a apparemment tout pour réussir ? Est-ce trop tôt ? « Où sont les nouveaux usages ?, questionne Nicolas Géraud, ancien du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et sociologue des usages. Le Quantified Self repose sur une fascination d’ingénieur : un jour, on s’est aperçu qu’on pouvait mettre des capteurs dans des chaussures pour quantifier une course. » Qu’est-ce que cette mesure a changé dans la performance ? Les données recueillies sont difficiles à analyser – ce qui est assez paraxodal. Le « bon sens » juge quel est le chiffre plus véridique et objectif, mais c’est oublier que les données dépendent du contexte. Les passionnés comptent sans arrêt leur pas, les sportifs uniquement quand ils courent, d’autres délaissent le capteur quand ses données les dépriment. Il est difficile d’analyser des données qui n’ont pas un cadre commun, comme lors de compétitions sportives. « Qu’est-ce que la quantification dit de notre rapport à nous-même ? Beaucoup de choses. Mais alors, le propos devient qualitatif, et non pas quantitatif », estime Nicolas Géraud. (…)
(…) Le groupe Quantified Self Paris lui-même remarque que ces outils génèrent une “fatigue cognitive”. D’après eux, ces services ne seront adoptés que s’ils mènent à une « expérience stimulante, engageante et signifiante, qui transcende la question technologique ». Certaines entreprises du secteur s’orientent vers de nouvelles stratégies pour transmettre les données et prévenir l’abandon de leurs produits : elles délaissent les graphiques trop abstraits et utilisent les données dans l’optique de prodiguer des conseils pratiques et concrets.
Rémy Bourganel, qui a cofondé l’IDN (Identité numérique mobile), le laboratoire de design de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, s’est emparé de ces questionnements. Le prototype de l’IDN, baptisé Folo, donne sur écran des conseils prodigués par des coachs virtuels, comme celui-ci, aléatoire : Demain, la journée sera ensoleillée. Et si tu allais faire un tour dans ce parc vers 9h ? Un de tes amis a l’habitude d’y aller, vous pourrez peut-être vous croiser.
Les chercheurs de l’IDN le reconnaissent : le manque de contexte limite les conseils à donner. « La plupart du temps, quand on détecte un problème, on peut juste conseiller d’aller consulter un médecin », constate Rémy Bourganel. Ils réfléchissent alors à « une façon de garder de la distance, de ne pas être soumis à l’outil ». Sur Folo, l’utilisateur peut paramétrer son ou ses coachs : ils seront cassants, encourageants, maternants, selon ses envies. « Ces coachs auront alors des approches différentes et pourront s’affronter à travers des conseils contradictoires », imagine Remy Bourganel.
À titre personnel, tous mes objets sont effectivement remisés au placard faute d’expérience stimulante. Très impatient d’utiliser Folo ! Durant l’été, je poursuis avec joie l’expérimentation des fonctionnalités « sommeil » et « podomètre » de mon nouveau coach jawbone UP qui résiste enfin à l’eau et aux lavages machine…
Pour info, les prochaines rencontres du QSParis/MyDataLabs restent à programmer et co-produire pour la rentrée. Au programme : redesigner l’accueil web de mydatalabs et focus sur deux rencontres orientées sur la santé et l’habitat. Vos suggestions, propositions et contributions sont les bienvenues même durant les vacances !